Bouillons culinaires et produits de dépigmentation : Des produits à surtaxer pour des raisons d’utilité publique

Le conseil des ministres du vendredi 3 octobre 2025 (sur le rapport du ministre de l’Économie et des Finances) a adopté un projet de décret fixant les taux en matière d’Impôt spécial sur certains produits. Ce qui a relativement relancé le débat sur les nouvelles taxes imposées aux services téléphoniques.

En effet, selon des économistes et des consommateurs avisés, l’État aurait pu se passer de cette mesure en surtaxant des produits aux effets néfastes sur la santé humaine (les bouillons culinaires, les produits de dépigmentation…), les jeux du hasard… Au Sénégal, c’est un débat qui a été aussi mené au parlement.

Au Mali, les taux en matière d’Impôt spécial sur certains produits sont fixés par le décret N°2022-0555/PT-RM du 20 septembre 2022. L’extension du champ d’application de cet impôt spécial sur certains produits, à travers l’adoption de l’Ordonnance N°2025-015/PT-RM du 17 mars 2025 portant modification du Code général des impôts ainsi que l’évolution des produits utilisés dans certains secteurs d’activité ont rendu nécessaire la relecture du décret du 20 septembre 2022. Adopté par le conseil des ministres du 3 octobre 2025, le projet de décret apporte des innovations concernant les bouillons alimentaires, les produits miniers, les produits du tabac… Il harmonise aussi la fiscalité minière avec les objectifs de mobilisation de recettes et de promotion d’un environnement économique attractif.

Les bouillons alimentaires font donc partie des produits soumis à une fiscalité dite « Impôt spécial »  (article 240 du nouveau code) sur certains produits dont les taux sont fixés par décret pris en conseil des ministres dans la limite des fourchettes. Ils sont taxés à un taux minimum de 10 % et maximum de 15 %. C’est aussi le cas des produits de parfumerie et cosmétiques taxables de 5 à 15 %. Figurant parmi les produits concernés, les boissons alcoolisées peuvent être taxées de 20 % à 70 %. Autant de niches à la portée des décideurs pour renflouer les caisses de l’État.

N’empêche que le gouvernement de transition a adopté par ordonnance (conseil des ministres du 5 février 2025) un projet de texte instituant de nouvelles taxes sur les services téléphoniques aujourd’hui appliquées malgré les grincements de dents au sein de l’opinion nationale. Selon les autorités, les recettes issues de ces nouvelles taxes sont destinées à financer des initiatives publiques visant à améliorer les conditions de vie des populations. Désormais, un taux de 10 % est prélevé sur les recharges téléphoniques et un autre de 1 % sur les retraits d’argent via le mobile money.

Ainsi, pour chaque recharge de 1 000 francs CFA, seulement 900 francs seront désormais crédités sur le compte de l’utilisateur, 100 francs étant prélevés par l’État. Quant aux transactions via mobile money, le retrait de 10 000 francs coûtera dorénavant 200 francs au lieu de 100 francs, avec 100 francs prélevés par l’État. Des mesures fiscales décriées par une partie des Maliens. « Il y a tellement de produits que le gouvernement aurait pu taxer sans affecter les revenus, voire la bourse des Maliens », nous a confié un économiste qui a requis l’anonymat.

« Même avec le nouveau code, je trouve que des produits comme les bouillons alimentaires, les boissons alcoolisées, les tabacs, les produits de dépigmentation… ne sont pas suffisamment taxés. Et cela d’autant plus que, compte tenu de leur nocivité sur la santé humaine, une forte taxation peut être dissuasive et réduire leur utilisation », a-t-il poursuivi. Interrogés par nos soins, d’autres experts et consommateurs ont abondé dans le même sens.

Une prise de position qui n’est pas sans rappeler un débat qui a récemment eu lieu au parlement sénégalais. Au-delà de leur soutien à la taxe sur les jeux de hasard, des députés avaient alors plaidé pour un relèvement de la fiscalité sur les bouillons culinaires et les produits de dépigmentation en invoquant des enjeux de santé publique. « Le cancer tue et beaucoup en souffrent à cause de ses produits dépigmentants », a lancé une élue (www.seneweb.com). Se réjouissant de la taxe sur les jeux, les parlementaires soutiennent que, en plus des recettes générées, une telle mesure est « un véritable acte de salubrité sociale au regard des effets pervers de ces pratiques sur une bonne frange de la jeunesse de notre pays ».

Ces élues avaient également exprimé leur inquiétude quant à la taxation des opérations de transfert d’argent. « Ils ont en effet estimé que cette mesure risque de favoriser un contournement du transfert au profit du cash, avec son lot de conséquences négatives, notamment la baisse du volume des transactions. Cette situation va entraîner ipso facto la baisse du chiffre d’affaires des opérateurs et la part des redevances à verser à l’État », avaient-elles déploré. Les élus concernés ajoutent que ce sont les milliers de jeunes Sénégalais qui s’activent dans ce secteur qui risquent de payer le plus lourd tribut d’une telle mesure. À cet égard, ils ont préconisé la suppression de la taxe sur les paiements marchands.

À noter que, au Sénégal, une loi de 2021 a introduit une taxe de 15 % sur les bouillons alimentaires importés ou produits au Sénégal. Des discussions auraient aussi lieu pour une surtaxe sur les produits de dépigmentation afin de lutter contre leurs méfaits sur la santé. Bien que l’interdiction de la publicité pour ces produits de dépigmentation soit déjà en vigueur, le gouvernement sénégalais étudierait des mesures supplémentaires, comme le renforcement des contrôles douaniers et une possible surtaxe pour enrayer ce fléau de santé publique.

Nos interlocuteurs au Mali auraient souhaité que, au lieu des services téléphoniques et des services de Mobil Money, les jeux de hasard, les bouillons, les tabacs, les boissons alcoolisées, les produits de dépigmentation… (causant d’énormes dégâts sur les populations en matière de santé) soient surtaxés.

Si les bouillons provoquent des insuffisances rénales, les produits de dépigmentation, l’alcool, le tabac… provoquent le cancer. Ils constituent donc un problème de santé publique… Les surtaxer serait comme un acte d’utilité publique !

Hamady Tamba

Source : Le Matin

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