Chronique Défense et Finance : Les zones d’ombre du contrat Paramount à 30 milliards de FCFA devant la Cour suprême

La fin de l’année 2025 s’annonce décisive pour la gouvernance publique au Mali. Après avoir conduit à terme plusieurs dossiers sensibles, notamment celui des équipements militaires et de l’avion présidentiel, la Cour suprême s’apprête à ouvrir un autre chapitre important de son action contre la délinquance économique et financière : l’affaire Paramount.

Selon les informations recueillies par Bamada.net, les services judiciaires finalisent les derniers réglages en vue de l’audience du 22 décembre 2025, une étape considérée comme essentielle dans la stratégie nationale d’assainissement et de transparence impulsée par les autorités de la Transition.

Un dossier emblématique des efforts de moralisation de la vie publique

L’affaire Paramount porte sur l’acquisition, en 2015, de 36 véhicules blindés Marauder, contractés auprès de la société sud-africaine Paramount, pour un montant d’environ 30 milliards de FCFA. Ce marché, inscrit dans la mise en œuvre de la Loi d’Orientation et de Programmation Militaire (LOPM) et de la Loi de programmation pour la sécurité intérieure, visait à renforcer les capacités opérationnelles des Forces armées maliennes.

Cependant, une décennie après sa signature, des interrogations persistent concernant :

  • la livraison incomplète du matériel,

  • les conditions d’exécution du contrat,

  • la régularité de certains actes administratifs et financiers.

L’ouverture d’une information judiciaire avait ainsi été annoncée par le Procureur général près la Cour suprême dès juillet 2022, dans un souci de transparence et de respect des obligations de contrôle prévues par la loi.

Un procès pour faire la lumière

L’audience programmée réunira 17 personnes inculpées par la Chambre criminelle du Pôle national économique et financier. Le dossier a été enrôlé le 18 septembre 2025 par la Chambre d’accusation, avant son renvoi devant la juridiction compétente.

Parmi les personnalités concernées figurent des anciens responsables politiques et administratifs du précédent régime :

  • Dr Boubou Cissé, ancien Premier ministre et ministre des Finances ;

  • Tiéman Hubert Coulibaly, ancien ministre de la Défense ;

  • Mamadou Igor Diarra, ancien ministre des Finances ;

  • Babaly Bah, ex-DG de la BMS-SA.

Tous sont poursuivis pour des faits présumés de faux, usage de faux, atteinte aux biens publics ou complicité de ces infractions. Plusieurs accusés se trouvent hors du territoire national, un élément qui sera apprécié par la juridiction conformément aux procédures en vigueur.

Le procès concerne également neuf hauts gradés de l’armée, dont certains en détention provisoire ou sous contrôle judiciaire, notamment :

  • le général Moussa Bemba Keïta, ancien chef d’État-major général ;

  • le général Moustapha Drabo, ancien directeur du Matériel et des Hydrocarbures ;

  • le colonel-major Nouhoum Dabitao, ancien directeur du Commissariat des armées ;

  • le colonel Abdoul Wahab Touré, ancien directeur des finances du ministère de la Défense.

Leur comparution vise uniquement à permettre à la justice d’examiner, avec toute la rigueur requise, les responsabilités respectives des uns et des autres dans le suivi administratif, technique et financier du contrat.

L’importance du respect des procédures et du cadre légal

Contrairement à certaines spéculations, ce procès n’a pas pour objectif de pointer du doigt ou de stigmatiser des individus, mais de clarifier les faitssécuriser les pratiques futures et renforcer la confiance des citoyens dans la gestion des deniers publics.

Il s’inscrit dans une dynamique institutionnelle assumée par les autorités de la Transition, qui ont réaffirmé à plusieurs reprises leur détermination à :

  • garantir l’indépendance de la justice ;

  • promouvoir la bonne gouvernance ;

  • assainir les finances publiques ;

  • assurer une gestion plus efficace des acquisitions destinées aux Forces armées.

Cette démarche répond aux exigences constitutionnelles et à l’aspiration du peuple malien à une administration plus transparente et plus contrôlée.

Ce que révèle l’affaire Paramount

Selon les sources consultées par Bamada.net, plusieurs éléments expliquent l’ouverture de ce dossier :

  • des écarts entre les paiements effectués et les livraisons effectivement reçues ;

  • la nécessité de retracer les décisions de validation et les engagements financiers ;

  • l’importance de clarifier la responsabilité des différents acteurs impliqués dans le processus.

En 2019, Paramount avait livré huit véhicules blindés Marauder, un volume partiel comparé aux 36 initialement commandés. Le fournisseur évoque un reliquat contractuel en attente de règlement, tandis que l’État malien exprime le besoin d’une vérification complète des flux financiers engagés.

Dans un contexte où les enjeux sécuritaires sont cruciaux, il est indispensable que chaque transaction militaire soit effectuée dans la transparence totale, afin de garantir l’efficience des moyens alloués à la défense nationale.

Un procès attendu, symbole d’une nouvelle ère de responsabilité publique

L’audience du 22 décembre revêt un caractère particulier : elle constitue à la fois un acte judiciaire et un signal institutionnel fort.

Elle témoigne de la volonté des autorités maliennes de laisser les juridictions compétentes fonctionner en toute liberté, selon les règles de droit, sans pression politique ni interférence.

Ce procès représente aussi un jalon dans la lutte continue contre la mauvaise gestion, un domaine qui a longtemps fragilisé le fonctionnement de l’État.

À ce stade, aucune conclusion ne peut être tirée avant le jugement.
La présomption d’innocence demeure acquise à toutes les personnes citées dans ce dossier, conformément aux principes fondamentaux de l’État de droit.

La suite : entre attentes et sérénité judiciaire

Le peuple malien observe ce processus avec attention, mais aussi avec confiance dans les institutions. La justice, en déclenchant l’examen de ce dossier sensible, poursuit son rôle constitutionnel : rechercher la vérité, garantir l’équité et protéger les ressources de la Nation.

Une chose est certaine : Bamada.net restera mobilisé pour offrir une couverture professionnelle, équilibrée et respectueuse des institutions, de ce procès qui s’annonce déjà comme l’un des plus importants de l’année.

BEH Coulibaly 

Source: Bamada

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