Rien ne va plus entre les deux têtes de proue de l’exécutif sénégalais. Le Président de la République du Sénégal Bassirou Diomaye Faye et son Premier ministre Ousmane Sonko ne semblent plus souffler dans la même trompette.
Depuis un certain temps Ils ne cachent plus leur divergence de vue sur la gestion des affaires qu’elles concernent le parti PASTEF ou encore l’Etat. Désormais à hue et à dia, leur guerre larvée, au début latente, est devenue ouverte voire frontale, au point que le Premier Ministre défie publiquement le Président de la République. Et pourtant la belle aventure de ces deux hommes politiques, avait fait des émules au sein de la classe politique sénégalaise et a suscité de l’espoir au sein de la jeunesse. Ils sont même devenus par la force des choses des complices et confidents partageant jusque beaucoup de choses en privé y compris leur vie familiale. Leur parcours politique bien que bref et plein d’embuches, avait donné de l’espoir à une jeunesse africaine déboussolée et en manque de repères. Leur noble combat pour un changement de cap dans la gouvernance des affaires du pays de la Teranga était une lueur d’espoir pour la jeunesse sénégalaise. Un an seulement après la brillante élection de Bassirou Diomaye Faye à la magistrature suprême du Sénégal le grand espoir que le tandem Diomaye Faye et Ousmane Sonko avait suscité est en train d’aller à vau l’eau.
En effet, il ne fait l’ombre d’aucun doute que c’est par un concours des circonstances et grâce à la bénédiction d’Ousmane Sonko que Bassirou Diomaye Faye est devenu le candidat de la Coalition Diomaye Président. Et c’est encore grâce à Sonko qu’il a été élu Président de la République. Pour rappel Sonko a été empêché par la justice sénégalaise d’être candidat à l’élection présidentielle. Ainsi pour ne pas réduire les chances du parti d’accéder au pouvoir il n’a pas hésité un seul instant de porter son choix sur Diomaye Faye pour être le porte étendard du parti à l’élection présidentielle. Soutenu par une forte coalition, Diomaye Faye a été élu dès le premier tour Président de la République du Sénégal. Selon tous les observateurs et analystes de la scène politique sénégalaise, après cette mission brillamment accomplie, Sonko devrait faire profil bas après l’investiture de Bassirou Diomaye Faye. En tout cas tout sauf le poste de premier ministre. Il devrait, après l’écrasante majorité obtenue aux législatives, aller au perchoir de l’Assemblée Nationale afin d’être la sentinelle vigilante pour veiller sur la mise en œuvre du programme qui leur a permis d’avoir le suffrage des sénégalais. Au lieu de cela Ousmane Sonko a préféré rester maître du jeu, faiseur de roi et le manitou de la République. Il a préféré le poste de premier ministre, et bien que n’ayant pas été élu, il veut jouer le rôle du Président de la République sans en avoir la légitimité.
De l’avis de tous les observateurs de la scène politique sénégalaise, la première grosse bourde d’Ousmane Sonko, le mentor politique de Bassirou Diomaye Faye est venue de là. C’est- à- dire sa prétention à jouer un rôle que la Constitution sénégalaise ne lui a pas conféré. Il a commencé par s’opposer à certaines décisions de nomination prises par le Président Diomaye Faye, ensuite il s’est plaint du fait que le Président Diomaye ne le protège pas assez, ni ne le soutient pas à hauteur de souhait face aux attaques multiples dont il fait l’objet de la part de ses opposants. Ousmane Sonko feint d’oublier que le premier ministre est le fusible du Président de la République et non le contraire, il doit accepter de prendre tous les coups pour protéger le Président. En cas de crises à répétition le Premier ministre sera le premier sacrifié. Comment Sonko peut-il ne pas comprendre ce mécanisme de gestion de la République. Pourquoi reproche-t-il au Président de ne pas le défendre contre les attaques de l’opposition alors qu’il a accepté d’occuper le poste de premier ministre? Mécontent du comportement de celui qu’il a fait élire le PM Sonko s’est mis dans une posture offensive contre Diomaye. Ses diatribes vexatoires contre le Président de la République lors d’un meeting avec les militants du parti ont permis d’étaler au grand jour leur divergence et ont été le début de la guerre de leadership et du contrôle du parti et de l’Etat entre les deux têtes de l’exécutif. Comme si cela ne suffisait pas Sonko a encore défié publiquement Diomaye, en s’opposant vigoureusement à la décision de nomination de l’ancienne première ministre Aminata Touré au poste de Présidente de la Coalition Diomaye Président. Jusqu’où pourrait aller cette guerre de leadership et quels peuvent être les moyens dont dispose chacun de deux protagonistes ?
Le Président de la République dispose de beaucoup d’armes comme entre autres la Constitution qui fait de lui le chef hiérarchique de Sonko et qui lui confère d’énormes prérogatives y compris la nomination et la révocation du premier ministre, ensuite il dispose de l’appareil d’Etat et dans un contexte africain celui qui est à la tête de l’Etat a un moyen de pression, et enfin la justice qui pourrait devenir un instrument de pression entre les mains du Président de la République en tant Président du Conseil Suprême de la Magistrature. Quant au Premier ministre la seule arme dont il dispose est l’appareil du parti et sa majorité à l’Assemblée Nationale. Il n’a d’ailleurs jamais cessé de brandir la menace d’une motion de censure contre n’importe quel gouvernement qui sera mis en place sans lui. Ensuite Sonko menace d’organiser une désobéissance civile contre le Président Diomaye Faye si ce dernier venait à le démettre de ses fonctions de PM. Ces armes sont certes nocives, mais elles ne valent pas celles dont dispose le Président de la République. Ce dernier, pour contrecarrer ce piège, pourrait dissoudre l’Assemblée Nationale et organiser des élections anticipées. A défaut il pourrait constituer une majorité qui sera composée des députés qui lui seront restés fidèles au PASTEF et ceux de l’opposition.
En somme, le PM roule véritablement contre ses intérêts et ceux du pays. Cette querelle byzantine ne fera qu’occulter les vraies questions de la Nation sénégalaise et accorder plus d’importance aux égos. Que le PM comprenne qu’une rupture avec Diomaye Faye sonnerait indubitablement le glas de sa carrière politique et son rêve de devenir Président de la République se transformerait un cauchemar. Il a tout à perdre dans un bras de fer avec Diomaye Faye, bien qu’il soit le mentor politique de ce dernier. Ousmane Sonko a intérêt à se ressaisir avant qu’il ne soit trop tard.
Youssouf Sissoko
Source :L’Alternance
