Entre Nous : Précédent sans danger ?

Le Conseil national de transition (CNT) a, à l’unanimité de ses membres présents, adopté, le 3 juillet 2025, le projet de loi portant révision de la Charte de la Transition : 131 voix pour, 0 contre et 0 abstention.

Selon le rapport de sa Commission des Lois constitutionnelles, de la Législation, de la Justice, des Droits de l’homme et des Institutions de la République, « le Président de la Transition remplit les fonctions du Chef de l’Etat pour une durée de cinq (5) ans, renouvelable autant de fois que nécessaire, jusqu’à la pacification du pays, à compter de la promulgation de la présente charte. Toutefois, cette durée est révisable dès la création des conditions permettant l’organisation d’élection présidentielle transparente et apaisée ».

Toujours selon ce rapport, « le Président de la Transition, les membres du gouvernement de transition et les membres du CNT sont éligibles à l’élection du Président de la République et aux élections générales qui seront organisées pour marquer la fin de la transition ».

Ce qui tranche avec l’article 9 de la loi n°2022-001/ du 25 février 2022, portant révision de la charte de la transition. «Le Président de la Transition n’est pas éligible aux élections présidentielle et législatives qui seront organisées, pour marquer la fin de la Transition. La présente disposition n’est pas susceptible de révision.»

Cet article a été verrouillé dès l’adoption de la charte. En droit constitutionnel, on appelle ça une « clause d’éternité » ou « clause d’intangibilité ». Cette clause « vise à protéger certaines valeurs et principes essentiels à l’abri de toute modification, même si la majorité envisage de les changer ». En adoptant ce projet de loi, les membres du CNT brisent la « clause d’éternité». Et ouvrent, ainsi, la voie à un précédent fâcheux, voire dangereux.

Après l’adoption par le Conseil des ministres puis le vote par le CNT, comme une lettre à la poste, on ne saurait s’attendre à un miracle de la part de la Cour constitutionnelle du Mali. Le rejet de ce texte par ses ‘’neuf sages’’ serait sans aucun doute la plus grande surprise de l’année. Si par extraordinaire, la Cour constitutionnelle rejette le texte adopté par le CNT, l’histoire en tiendra compte. Si elle le valide, l’histoire en tiendra également compte. Et son jugement reste impitoyable. Qu’ils soient bons ou mauvais, les arrêts rendus par d’éminents juristes ont traversé le temps pour être des références jurisprudentielles. Le Président Amadou Ousmane Touré et les membres de la Cour constitutionnelle font face à l’histoire.

Dans une transition où le maître mot est la refondation, il est impératif de rompre avec les anciennes pratiques. Si l’idéal ou la volonté est de construire un Mali nouveau, il y a des normes et des principes à ne pas transgresser. La presse professionnelle est interpellée, plus que jamais à jouer sa partition de sentinelle vigilante.

Aujourd’hui, les auteurs du coup d’Etat du 18 août 2020 et leurs soutiens s’installent au pouvoir sans vote. Ils violent les clauses d’éternité de valeur constitutionnelle, introduites par leur propre soin dans la Charte de la transition. Si la Cour constitutionnelle valide cette charte révisée, devrait-on s’étonner de voir un jour remise en cause au Mali la forme républicaine, laïque et démocratique de l’Etat ?

Par Chiaka Doumbia

Source : Le Challenger


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