Pour une souveraineté économique effective sur nos ressources minières. Telle est la conviction de Harouna Niang, estimant user de son devoir de parler au nom du peuple sur une crise révélatrice d’une injustice structurelle à laquelle le gouvernement vient de donner une réponse souveraine, légitime et mesurée. Ce qui pourrait être le point de départ d’une refondation du modèle minier en Afrique.
- Le devoir de parler au nom du peuple
En tant que citoyen malien, ancien fonctionnaire à la retraite et témoin engagé de la vie économique de mon pays, je ne peux rester silencieux face au différend qui oppose actuellement le Mali à la société Barrick Mining, héritière directe de Randgold, dans l’exploitation de la mine Loulo-Gounkoto. Ce conflit cristallise une problématique plus large : celle du déséquilibre profond dans le partage des richesses issues de notre sous-sol, ici au Mali mais également dans la plupart des pays africains.
- Une crise révélatrice d’une injustice structurelle
Depuis des décennies, Randgold (aujourd’hui absorbée par Barrick) a su obtenir au Mali, des conditions plus avantageuses que toute autre société minière opérant dans notre pays. Ce traitement de faveur s’est traduit par des exonérations prolongées de façon anormale, des facilités douanières, fiscales et réglementaires, ainsi que des dérogations dont ne bénéficient pas les autres entreprises.
Les insuffisances de nos textes juridiques, tout comme les difficultés structurelles que rencontre l’État malien dans le contrôle de l’exploitation minière, notamment concernant les aspects prix de transfert et autres pratiques d’optimisation fiscale des multinationales, le manque d’audits indépendants réguliers ont été largement exploitées par Randgold et sa maison-mère Barrick. Ces entreprises ont tiré avantage d’un cadre légal trop permissif pour minimiser leur contribution fiscale réelle. Ce déséquilibre, bien qu’apparemment légal sur le plan formel, est injustifiable sur les plans moral et économique, et il ne saurait continuer. Il est du devoir du Mali de corriger cette situation dans l’intérêt de son peuple.
L’un des exemples les plus frappants est le non rapatriement régulier des recettes d’exportation, qui a pour effet de priver notre système bancaire national de devises, et donc de capacité d’investissement local. Ce mécanisme favorise le drainage des richesses vers l’extérieur au détriment du développement endogène de notre économie.
- Une réponse souveraine, légitime et mesurée
Face à ces déséquilibres, le gouvernement malien, soutenu par son peuple, a agi de manière responsable. La décision de placer la mine de Loulo-Gounkoto sous administration provisoire ne vise ni l’expropriation, ni la nationalisation sauvage, mais la sauvegarde d’un outil stratégique mis à l’arrêt par Barrick. Elle est conforme au droit malien, validée par un tribunal national, et repose sur la nécessité de restaurer la production pour préserver les emplois, les recettes fiscales et la stabilité économique surtout dans un pays qui en a fortement besoin pour lutter contre la pauvreté et réduire l’immigration dangereuse de ses citoyens vers l’Europe notamment.
- Une bataille qui se jouera aussi sur le plan international
En saisissant le CIRDI, Barrick espère faire pression sur l’État malien. Mais notre pays dispose d’arguments solides : le droit international reconnaît à chaque État la souveraineté permanente sur ses ressources naturelles, comme le rappelle la résolution 1803 des Nations unies. De plus, le Mali a tenté de négocier. Un accord de 275 milliards FCFA avait été envisagé, mais Barrick s’est désisté unilatéralement.
Le traitement réservé à Barrick n’est ni discriminatoire ni arbitraire. Il est identique à celui appliqué à d’autres entreprises, dont certaines ont déjà trouvé un compromis avec l’État.
- Pour une refondation du modèle minier
Ce conflit doit être le point de départ d’une refondation du modèle minier en Afrique. Il est temps de mettre fin aux exonérations à répétition et aux contrats déséquilibrés. Il est temps d’instaurer un cadre équitable où les multinationales contribuent pleinement à la richesse nationale, au même titre que les petites et moyennes entreprises locales. L’instauration d’un fonds souverain minier, la limitation du rapatriement des devises, l’augmentation de la participation de l’État dans les projets stratégiques, et l’exigence d’un contenu local fort doivent devenir les piliers de cette nouvelle vision.
- Recommandations stratégiques
- a) Poursuivre le processus de redémarrage de la production
– Définir un calendrier clair de relance ;
– Réintégrer partiellement ou totalement les travailleurs actuels de la mine pour éviter les tensions sociales ;
– Garantir un minimum de stabilité technique et environnementale pendant l’administration provisoire.
- b) Préparer activement la défense du Mali devant le CIRDI
w- Constituer une Task force juridique et stratégique incluant des experts internationaux ;
– Mobiliser les principes de souveraineté économique, de protection de l’intérêt public, et les failles éventuelles du comportement de Barrick (optimisation fiscale, non-respect d’engagements sociaux et environnementaux etc.) ;
– Établir un dossier technique et financier justifiant les réclamations du Mali.
- c) Consolider la position politique du Mali
– Communiquer de manière stratégique auprès de l’opinion nationale et internationale, en insistant sur :
– le non-paiement des sommes dues ;
– les tentatives de règlement amiable entreprises par le gouvernement ;
– la volonté de protéger les intérêts du peuple malien.
– Renforcer la coopération avec d’autres États africains confrontés à des litiges similaires (Cameroun, RDC, Zambie, Tanzanie).
- d) Réforme structurelle du secteur minier
– Accélérer la réforme du Code minier pour éviter à l’avenir des situations similaires :
– Introduction de clauses de renégociation automatique ;
– Meilleure régulation du transfert de profits vers les maisons mères ;
– Instauration de fonds de stabilisation ou fonds souverains adossés aux revenus miniers.
- Conclusion
Ce n’est pas seulement un bras de fer juridique. C’est un combat pour notre dignité économique. Le Mali ne rejette pas les investisseurs. Mais nous ne pouvons plus accepter que nos ressources soient exploitées sans justice, sans transparence, sans bénéfice équitable pour nos populations. Au nom de l’intérêt national, je soutiens la position du Mali et j’appelle nos partenaires africains et internationaux à se ranger du côté de la justice économique et de la souveraineté africaine.
Harouna Niang, Citoyen malien lambda Le titres et le chapeau sont de la redaction
Source : Le Challenger
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